Ce qui va vite

Publié le par williamlaboury

La bande-annonce de Go Fast m'a interpellé, donc j'ai voulu essayer de trouver pourquoi elle fonctionne, et ce qui la rend légèrement différente en terme de rythme et d'images, bien qu'à première vue très conventionnelle.





L'intro de la bande-annonce ne ressemble pas vraiment aux autres : on a déjà une musique de tension. Pas de rythme, juste un battement clair et rapide, presque électrique. On entre directement dans la préparation de quelque chose ("Il se passe quelque chose, je sais pas quoi") au lieu d'avoir la présentation habituelle d'une situation stable ("ils étaient heureux jusqu'au jour où").

On sent quand même la volonté d'aménager une entrée pas trop brusque dans la bande-annonce (fondu dans le même plan). Dans la même idée, le centre de l'action (la rue) est vue à travers une caméra vidéo, dont l'image est elle-même dans un écran : on est encore en dehors.
Jusqu'à ce qu'on entre dans le coeur du propos : image direct de la rue, sans filtre. Musique qui prend un rythme. C'est lancé par la réplique "c'est parti", bien-sûr, et par un bruit de moteur qui démarre dans la seconde qui précède la musique.

Le point de vue s'approche de l'action à la manière d'un zoom ("tu zoom", avec une voix chuchotée qui renforce l'effet de proximité)
C'est la même logique qui nous fait passer d'un plan d'ensemble avec une voiture à un plan rapproché d'une voiture qui roule vers nous.
Silence.

La suite place l'histoire dans un contexte actuel, avec des images réelles d'HLM et une voix-off de présentateur, proches de celles qu'on voit au JT. Tout mène à associer la séquence à une image médiatique : homme qui filme, zooms brusques, amorces, plan sur une caméra, écrans avec curseur, sons d'interférences.

Pour impliquer le personnage dans l'histoire, deux scène se contredisent dans une ellipse : "ce serait con de risquer de faire voir ta tronche avec nous, non ?" / Ellipse / "tu vas infiltrer un réseau de stups". Ca rend la présentation moins artificielle.

La décision du personnage est présentée d'une manière semblable. Un plan s'incruste au milieu du plan sur le papier qui glisse : le chef pose le papier / image supposée de l'Espagne qui illumine un par-brise encore crasseux / le personnage accepte le papier.

Le personnage doit toucher le fond avant d'accéder à sa mission. L'objectif de la scène du GIGN sert sûrement seulement à montrer que c'est dur : c'est dur de faire des pompes, puis il arrive a tirer dans le 10/10, puis c'est dur de se réveiller, et c'est très dur de plonger au fond du gouffre...

Ca appelle une ellipse immense pour le voir prêt. Plus on le quitte en mauvais état, plus on trépigne de le voir fin prêt, super-héro.

On le retrouve effectivement longtemps après (le son du gong d'une horloge), beaucoup de chose ont changé (la passerelle se retourne à 180°).
Fini la gadoue et les plongeons, tout est électronique, y'a plein de nouveau amis intellectuels (3 plans sur des gens de dos).
Une série de flash-forwards (bonds en avant) présentent le travail sur le terrain : plans descriptifs sans mouvement, qui résument des idées.
Le traditionnel "C'est parti" pour lancer l'accélération, suivi d'une série de voitures qui roulent vite.
Alternances de pauses explicatives et de petits coups d'accélération brusques : voiture qui roule, bateau qui fonce sur l'eau, puis voiture qui roule sur l'eau.

C'est suivi d'un assez long moment narratif qui ne raconte pas grand chose, juste pour donner envie que ça accélère.

Puis on est pris de cours par une accélération à l'image (plan de la route en plongée) alors que le son n'a pas encore pris de rythme ("non tout va bien").
Quelque chose se trame dans notre dos (vues dans le rétroviseur, a travers des amorces de voiture) : le danger surprend par derrière (la femme énervée arrive par derrière), et dans la série d'images courtes qui suit, environ un plan sur deux va adopter cette idée du danger derrière toi : des gens qui se retournent, des regards qui changent de direction, des rétroviseurs.
L'autre moitié des images choisissent la carte de l'accélération : des voitures qui roulent, qui arrivent souvent vers nous, des travellings avants, des plans de + en + courts, une musique de + en + aigu, des plans de + en + serrés, jusqu'à la collision.

Cette idée de mélanger les effets de surprise et d'attente, ça nous secoue entre deux émotions contradictoires, pour augmenter l'effet d'intensité.
Selon Hitchcock, dans une scène, soit on montre la bombe caché dès le début, soit on la fait exploser sans prévenir. Là il me semble que c'est comme si on faisait les deux en même temps.

Et malgré les quelques clichés de la bande-annonce, je trouve ça particulièrement efficace. Après, peut-être que des centaines de bande-annonces utilisent aussi cet effet mais le dissimulent mieux, dans ce cas les plus mauvais films seraient les plus faciles à analyser.

Publié dans Films

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P
Maintenant que j'ai vu la bande-annonce au ciné, c'est plus clair. Efficace, c'est le mot. J'ai retenu le film alors que franchement c'est pas ce que j'irais voir.
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